Imaginez une journée où tout fonctionne à l’envers. Vous cherchez vos clés alors qu’elles sont dans votre main. Vous relisez trois fois la même phrase sans la comprendre. Bienvenue dans un monde où le sommeil vous fait défaut.

Comme il peut être simple de penser qu’on rattrapera son sommeil plus tard. Spoiler : c’est faux.

On croit pouvoir le grignoter, l’écourter, le repousser… et pourtant, le sommeil ne se rattrape pas. Pas plus qu’un muscle qu’on arrêterait d’entraîner ou une peau qu’on négligerait de protéger.

Une bonne nuit, ce n’est pas un bonus. C’est la base de notre énergie, de notre concentration, de notre longévité.

Et si on apprenait enfin à donner au sommeil la place qu’il mérite ?

Le soleil, votre chef d’orchestre

Votre corps est réglé comme une horloge. Littéralement.

Grâce au rythme circadien qui synchronise tout (Pandi-Perumal et al., 2022). De la température corporelle à la production d’hormones. Quand il joue juste, vous vous endormez sans effort. Mais quand il se dérègle, c’est la cacophonie.

Le matin, la lumière naturelle envoie un signal : stopper la production de mélatonine (Ostrin, 2019), l’hormone du sommeil. Votre corps se met en marche, la vigilance augmente, l’énergie remonte.

Le soir, c’est l’inverse. Quand l’obscurité s’installe, votre organisme ralentit, baisse sa température et enclenche le mode sommeil.

Dans un monde idéal, nous suivrions ce cycle naturel : debout avec le lever du jour, endormis peu après la tombée de la nuit.

Mais dans le monde moderne, ce cycle est constamment perturbé. À 18h, sous les néons blancs du bureau, votre corps pense qu’il est encore en plein après-midi. Il repousse la production de mélatonine et met du temps à redescendre, retardant l’endormissement.

On pense souvent que seul l’œil capte la lumière et influence notre horloge biologique. Mais notre peau pourrait aussi y être sensible. Des recherches (Buhr et al., 2019) montrent que certains récepteurs cutanés détecteraient la lumière et joueraient un rôle dans la régulation des rythmes circadiens (ce n’est que chez la souris à ce stade).

Résultat ? On perturbe notre propre mécanisme biologique et on accumule un déficit de sommeil.

Quand l’humanité a-t-elle le mieux dormi ?

On pourrait croire que l’homme préhistorique, dormant à la belle étoile avec des bruits de prédateurs en fond sonore, n’était pas un modèle de sommeil réparateur. Et pourtant…

C’est avant la révolution industrielle que l’humanité a probablement connu son sommeil le plus naturel. À une époque où l’éclairage artificiel n’existait pas encore, nos journées étaient dictées par le soleil et nos nuits suivaient un cycle biphasique : une première période de sommeil, un éveil nocturne pour des activités calmes avec une seconde phase de repos.

Les recherches montrent (Buhr et al., 2019) que cette organisation était idéale pour optimiser la récupération et la régulation hormonale. Moins d’exposition à la lumière artificielle, une synchronisation parfaite avec le rythme circadien, et un respect naturel des signaux biologiques du corps.

Puis l’électricité est arrivée. Lumière artificielle, journées rallongées, travail en horaires décalés, écrans omniprésents… Et notre sommeil est devenu un dommage collatéral.

Aujourd’hui, nous dormons moins et moins bien. Et notre corps, lui, n’a pas eu le temps de s’adapter à ce nouveau mode de vie.

Les ennemis du sommeil : un sabotage quotidien

On aimerait s’endormir facilement. Mais notre mode de vie moderne a décidé de compliquer la tâche.

1. Une lumière qui trompe votre cerveau

Le soir, votre corps attend le signal de l’obscurité pour enclencher la production de mélatonine. Mais les écrans, les LED et les néons blancs lui racontent une toute autre histoire : “Il est midi !”(Institut National du Sommeil et de la Vigilance, n.d., Sommeil et nouvelles technologies). 

Résultat ? Un cerveau décalé, un endormissement retardé et un sommeil de moins bonne qualité.

2. Un stress omniprésent

Le sommeil a un ennemi juré : le cortisol, l’hormone du stress (O’Byrne et al., 2021). Problème : e-mails tardifs, hyperconnexion, charge mentale… Nos niveaux de cortisol restent élevés même quand la journée est finie.

Résultat ? Un cerveau qui ne décroche pas, un sommeil fragmenté, une récupération inefficace.

3. Une hygiène de vie qui joue contre vous

Café à 17h ou apéro tardif : La caféine reste dans votre système plusieurs heures (O’Callaghan et al., 2018), bloquant les récepteurs de l’adénosine (l’hormone du sommeil). Quant à l’alcool, il fragmente les cycles du sommeil et empêche d’atteindre les phases réparatrices.

Un dîner trop copieux : Digérer demande de l’énergie, ce qui maintient votre corps en activité alors qu’il devrait ralentir. En plus, un repas trop riche en graisses et en sucres peut provoquer des reflux ou des variations de glycémie qui perturbent le sommeil (St-Onge et al., 2016).

Le sport intensif le soir : Bonne idée sur le papier, mais si l’entraînement est trop tardif, il élève la température corporelle et booste le cortisol, retardant l’endormissement (Roberts et al., 2018).

Résultat ? Un sommeil agité, un métabolisme perturbé et un réveil difficile.

4. Un environnement qui vous trahit

Une chambre trop chaude, des bruits parasites, une literie inadaptée… autant de signaux perturbateurs qui empêchent votre corps de se relâcher complètement.

Résultat ? Des micro-réveils, un sommeil moins profond et une sensation de fatigue persistante.

 

Le problème ? Tout cela est devenu la norme. On pense que mal dormir est une fatalité… alors qu’on a surtout appris à perturber notre propre biologie.

Les conditions idéales pour mieux dormir

Votre corps n’a pas besoin d’un rituel magique pour bien dormir. Il a juste besoin qu’on arrête de lui mettre des bâtons dans les roues. Si nous remontions aux périodes où l’humanité dormait mieux, voici ce que l’on y trouverait :

1. Dormir dans le noir complet

Avant l’électricité, la seule source lumineuse nocturne était la lune et les flammes d’un feu de camp bien plus tamisées que nos écrans et ampoules LED.

Aujourd’hui ? Optez pour une obscurité totale. Stores fermés, veilleuses éteintes. Votre cerveau doit comprendre que c’est la nuit. (Institut National du Sommeil et de la Vigilance, n.d., Une chambre idéale pour bien dormir) 

2. Baisser la température

Nos ancêtres dormaient dans des grottes fraîches ou des habitats sans chauffage central. Et ça tombe bien : le corps baisse naturellement sa température pour enclencher le sommeil.

Aujourd’hui ? 18°C est idéal (Institut National du Sommeil et de la Vigilance, n.d., Une chambre idéale pour bien dormir). Trop chaud, et votre sommeil devient instable. Favorisez des couches de vêtements plutôt qu’un chauffage trop élevé pour trouver votre équilibre thermique.

3. Éviter la lumière artificielle en soirée

Notre horloge biologique est réglée sur le cycle naturel du soleil depuis des millénaires. Elle ne comprend pas pourquoi, à 23h, votre salon brille comme en plein jour.

Aujourd’hui ? Limitez l’exposition aux écrans (Institut National du Sommeil et de la Vigilance, n.d., Sommeil et nouvelles technologies) et privilégiez des lumières chaudes et tamisées le soir.

4. Respecter un rythme stable

Nos ancêtres n’avaient pas d’alarmes. Leur unique repère était le soleil ou le son des animaux imposant un rythme stable et non négociable : lever avec l’aube, coucher après la tombée de la nuit. Leur horloge biologique était naturellement alignée avec leur environnement.

Aujourd’hui ? Nos journées sont dictées par des obligations sociales, pas par la lumière naturelle. On décale nos horaires en semaine, on « rattrape » le sommeil le week-end, et on crée un jetlag permanent. Se coucher et se lever à la même heure, même le week-end, est la seule façon de recalibrer son cycle et d’éviter ce dérèglement chronique (Windred et al., 2024).

5. Ne pas lutter contre un réveil nocturne

Avant l’ère industrielle, le sommeil était biphasique (Meyer-Hilfiger, 2024) : les gens s’endormaient peu après le coucher du soleil, dormaient 3 à 4 heures, puis se réveillaient naturellement pendant 1 à 2 heures. Cette phase d’éveil nocturne était utilisée pour lire, prier, méditer, écrire ou simplement discuter à la lueur des bougies. Ensuite, ils entamaient un second cycle de sommeil jusqu’au matin.

Aujourd’hui ? Se réveiller en pleine nuit ne signifie pas forcément que vous avez un mauvais sommeil. C’est une réaction biologique normale, héritée de notre passé. Ce qui perturbe réellement le sommeil, c’est l’anxiété liée au fait d’être éveillé. Plutôt que de paniquer, adoptez des habitudes qui favorisent un retour au sommeil : évitez de consulter votre téléphone (lumière bleue), ne fixez pas l’heure (stress), et privilégiez des activités apaisantes comme la respiration ou la lecture dans une lumière tamisée. Votre corps sait quoi faire. Il faut juste lui laisser l’espace pour le faire naturellement.

Bonus : Les leviers pour optimiser votre sommeil

Si vous voulez aller plus loin, voici quelques outils scientifiquement validés pour favoriser l’endormissement et améliorer la récupération :

Les couettes lestées → La pression exercée sur le corps stimule la production de sérotonine et réduit le cortisol, favorisant une sensation de calme et un sommeil plus profond (Meth et al., 2023).

L’aromathérapie → Certaines huiles essentielles comme la lavande ou la camomille ont un effet apaisant prouvé sur le système nerveux (Woelk & Schläfke, 2010).

Le bruit blanc → Ventilateur, vagues, pluie… Les bruits continus aident à masquer les nuisances sonores et à plonger dans un sommeil plus stable.

Respiration et cohérence cardiaque → Des exercices comme le 4-7-8 (inspiration 4s, rétention 7s, expiration 8s) permettent d’abaisser le rythme cardiaque et de calmer l’activité cérébrale avant le coucher.

Allez vous coucher, le reste suivra

Le sommeil est la base de votre énergie, de votre clarté mentale et de votre longévité.

Aujourd’hui, on pense qu’il suffit d’adopter quelques « bonnes habitudes » pour améliorer ses nuits. Mais un sommeil optimal ne repose pas sur des conseils génériques. Il dépend de votre propre biologie.

Chez Zoī, nous analysons votre sommeil à travers un questionnaire détaillé et différents bilans biologiques et physiologiques :

Apnée → N’est pas Jacques Mayol qui veut. Si vos nuits ressemblent à une plongée en apnée version Grand Bleu, ce n’est pas bon signe. Grâce à vos réponses du questionnaire, nous calculons le score STOP-BANG, un outil reconnu pour repérer les risques d’apnée-hypopnée obstructive du sommeil.

Cortisol et mélatonine → Votre rythme circadien est-il bien calibré ? Nous mesurons vos niveaux d’hormones pour comprendre si votre cycle veille/sommeil fonctionne correctement.

Variabilité de fréquence cardiaque (VFC) → Votre sommeil est-il vraiment réparateur ? On évalue votre capacité à récupérer et à gérer le stress chronique.

Glycémie et neurotransmetteurs → Pourquoi vous réveillez-vous la nuit ? On identifie si ces troubles sont liés à des fluctuations hormonales ou métaboliques.

Analyse du mode de vie et du chronotype → À quelle heure devriez-vous réellement vous coucher ? On détermine les horaires de sommeil qui correspondent à votre biologie.

 

Un bon sommeil ne s’improvise pas. Il se mesure, s’analyse et s’optimise pour que vos journées soient plus claires, plus productives et plus équilibrées.

 

Sources :  

Buhr, E. D., Vemaraju, S., Diaz, N., Lang, R. A., & Van Gelder, R. N. (2019). Neuropsin (OPN5) Mediates Local Light-Dependent Induction of Circadian Clock Genes and Circadian Photoentrainment in Exposed Murine Skin. Current biology : CB, 29(20), 3478–3487.e4. https://doi.org/10.1016/j.cub.2019.08.063

Institut National du Sommeil et de la Vigilance. (n.d.). Sommeil et nouvelles technologies. https://institut-sommeil-vigilance.org/sommeil-et-nouvelles-technologies/

Institut National du Sommeil et de la Vigilance. (n.d.). Une chambre idéale pour bien dormir : jeu des 6 erreurs. https://institut-sommeil-vigilance.org/une-chambre-ideale-pour-bien-dormir-les-6-erreurs-a-eviter/

Meth, E. M. S., Brandão, L. E. M., van Egmond, L. T., Xue, P., Grip, A., Wu, J., Adan, A., Andersson, F., Pacheco, A. P., Uvnäs-Moberg, K., Cedernaes, J., & Benedict, C. (2023). A weighted blanket increases pre-sleep salivary concentrations of melatonin in young, healthy adults. Journal of sleep research, 32(2), e13743. https://doi.org/10.1111/jsr.13743

Meyer-Hilfiger, M. (2024). Dormir en deux temps, l’ancienne norme du sommeil. National Geographic France. https://www.nationalgeographic.fr/sciences/dormir-en-deux-temps-ancienne-norme-du-sommeil-biphasique-moyen-age-sante

O’Byrne, N. A., Yuen, F., Butt, W. Z., & Liu, P. Y. (2021). Sleep and Circadian Regulation of Cortisol: A Short Review. Current opinion in endocrine and metabolic research, 18, 178–186. https://doi.org/10.1016/j.coemr.2021.03.011

O’Callaghan, F., Muurlink, O., & Reid, N. (2018). Effects of caffeine on sleep quality and daytime functioning. Risk management and healthcare policy, 11, 263–271. https://doi.org/10.2147/RMHP.S156404

Ostrin L. A. (2019). Ocular and systemic melatonin and the influence of light exposure. Clinical & experimental optometry, 102(2), 99–108. https://doi.org/10.1111/cxo.12824

Pandi-Perumal, S. R., Cardinali, D. P., Zaki, N. F. W., Karthikeyan, R., Spence, D. W., Reiter, R. J., & Brown, G. M. (2022). Timing is everything: Circadian rhythms and their role in the control of sleep. Frontiers in neuroendocrinology, 66, 100978. https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2022.100978

Roberts, S. S. H., Teo, W. P., & Warmington, S. A. (2019). Effects of training and competition on the sleep of elite athletes: a systematic review and meta-analysis. British journal of sports medicine, 53(8), 513–522. https://doi.org/10.1136/bjsports-2018-099322

St-Onge, M. P., Mikic, A., & Pietrolungo, C. E. (2016). Effects of Diet on Sleep Quality. Advances in nutrition (Bethesda, Md.), 7(5), 938–949. https://doi.org/10.3945/an.116.012336

Windred, D. P., Burns, A. C., Lane, J. M., Saxena, R., Rutter, M. K., Cain, S. W., & Phillips, A. J. K. (2024). Sleep regularity is a stronger predictor of mortality risk than sleep duration: A prospective cohort study. Sleep, 47(1), zsad253. https://doi.org/10.1093/sleep/zsad253

Woelk, H., & Schläfke, S. (2010). A multi-center, double-blind, randomised study of the Lavender oil preparation Silexan in comparison to Lorazepam for generalized anxiety disorder. Phytomedicine. 17(2), 94-99. https://doi.org/10.1016/j.phymed.2009.10.006

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